La régulation des cryptomonnaies
Le cours du bitcoin, une monnaie numérique, a battu un record la semaine dernière, soutenu par l’élection comme président des États-Unis de Donald Trump, favorable à son développement. Alors que certains pays s’orientent ainsi vers une dérégulation du marché des cryptomonnaies, l’UE met en place un règlement pour les encadrer.
Le cours du bitcoin a dépassé jeudi dernier pour la première fois de son histoire les 100 000 dollars (près de 95 000 euros), avant de refluer. Il s’échangeait ce mercredi autour de 98 000 dollars. Le cours de cette cryptomonnaie avait atteint les 50 000 dollars en 2021, soit 12 ans après sa création, avant de baisser. La hausse de son cours s’est accélérée après le 5 novembre, date de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Le président élu a promis pendant sa campagne de faire des États-Unis « la capitale crypto de la planète et la superpuissance mondiale du bitcoin ». La veille du record des 100 000 dollars, Donald Trump avait annoncé son intention de nommer Paul Atkins, favorable au développement des cryptomonnaies, à la tête de la SEC, l’autorité américaine des marchés financiers. Paul Atkins avait critiqué les actions de la SEC pour réguler ce marché.
Les cryptomonnaies sont des monnaies numériques qui ne disposent pas d’un support physique comme les pièces ou les billets. Elles permettent d’effectuer des paiements anonymes en ligne sans intermédiaire, c’est-à-dire sans qu’une banque vérifie les transactions. Il s’agit de monnaies privées : elles ne sont émises ni par une banque centrale ni par une institution financière. Elles n’ont donc pas de cours légal dans la majorité des pays tels que la France – les commerçants peuvent les refuser. Des institutions internationales, comme certains pays, s’attachent aujourd’hui à leur régulation.
Une régulation inégale
Les cryptomonnaies se sont développées depuis le lancement du bitcoin en 2009, qui s’est démocratisé vers la fin des années 2010. Ces monnaies numériques posent plusieurs difficultés aux pouvoirs publics. Par exemple, l’anonymat qu’elles garantissent facilite les flux illégaux, comme le blanchiment d’argent ou le financement d’activités illicites. De même, leurs cours sont très volatils, ce qui expose les acheteurs à des pertes pouvant être importantes. Selon une étude publiée en 2018 par la bibliothèque juridique du Congrès américain, 130 pays ou organisations régionales avaient déjà adopté à cette date des lois ou des politiques ayant trait aux cryptomonnaies. Celles-ci vont du simple avertissement sur les risques à l’interdiction dans certains pays. La même année, le G20, qui réunit 20 des principales puissances économiques de la planète, a encouragé les instances internationales à surveiller les cryptomonnaies et à prendre davantage de mesures. Les réglementations sont rendues difficiles par l’évolution rapide du marché et par l’absence d’harmonisation mondiale, estimait toutefois le FMI, une instance internationale chargée de garantir la stabilité financière, dans une note de 2022.
Une réglementation pionnière dans l’UE
En 2023, l’UE a adopté le règlement MiCA qui vise à réguler le marché des cryptomonnaies et qui doit entrer en application le 30 décembre. Ce texte unifie les règles au sein de l’UE afin de mettre « fin à la loi de la jungle », selon l’ancien ministre français de l’Économie Bruno Le Maire. Le MiCA encadre les prestataires fournissant des services de cryptomonnaies, en conditionnant l’exercice de leur activité à la délivrance d’une autorisation par les autorités publiques nationales et en leur fixant plusieurs règles de transparence ou de gestion des risques à respecter. L’UE a été la première organisation mondiale à définir « un cadre réglementaire complet », a souligné Denis Beau, premier sous-gouverneur de la Banque de France, la banque centrale française, dans un discours en octobre. Il a rappelé que le règlement MiCA s’inspirait de la loi française Pacte de 2019, jugée « pionnière en la matière ». En plus du MiCA, la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers, une institution administrative indépendante, ont appelé en novembre à la mise en place d’une « supervision européenne directe » sur les cryptomonnaies.
10%
de détenteurs de cryptomonnaies
En France, 10 % des particuliers détiennent des cryptomonnaies, selon un sondage mené en décembre 2023 par l’association de professionnels des actifs numériques Adan, l’institut de sondages Ipsos et le cabinet de sondage KPMG sur un échantillon représentatif de 2 000 répondants majeurs. Les hommes, les jeunes et les catégories socioprofessionnelles supérieures sont largement surreprésentés parmi les détenteurs.
Les ETF bitcoins
La SEC, l’autorité de régulation des marchés financiers américains, a autorisé en janvier 11 gestionnaires d’actifs à lancer leur ETF bitcoin. Un ETF, aussi appelé tracker, est un placement qui suit l’évolution d’un indice boursier donné. Les ETF sont « très répandus aux États-Unis » et connaissent « un réel développement » en France, selon le site de vulgarisation économique La Finance pour tous. Les ETF adossés au cours du bitcoin permettent aux investisseurs de profiter de ses variations sans avoir à convertir effectivement leurs fonds dans cette cryptomonnaie, ce qui la rend plus accessible pour le grand public. En juillet, des gestionnaires ont également lancé en bourse des ETF indexés sur la monnaie électronique ether, la deuxième en termes de valorisation (valeur estimée de l’ensemble des cryptomonnaies sur les marchés) après le bitcoin. « Il est impossible de réguler le bitcoin lui-même : il repose sur des technologies pensées pour être autonomes. En revanche, on peut réguler son interconnexion avec les marchés classiques, et elle l’est de plus en plus », analysait l’économiste Julien Prat dans un article d’Alternatives économiques fin janvier.
Expérimentations autour du bitcoin
En 2021, le Salvador est devenu le premier pays à donner un cours légal au bitcoin, obligeant les entreprises à accepter cette cryptomonnaie au même titre que le dollar américain, l’autre monnaie officielle du pays. Le président voulait faciliter les transferts d’argent des émigrés salvadoriens et intégrer économiquement une partie de la population en marge de « l’économie formelle ». Il s’est réjoui début décembre des « réserves » de bitcoin du pays, après la hausse de son cours. Selon une étude menée par des chercheurs aux États-Unis en 2022, l’usage du bitcoin est toutefois resté faible et concentré chez les personnes « bancarisées, éduquées, jeunes et de sexe masculin », une situation qui a peu évolué depuis. La Centrafrique a adopté le même type de législation en 2022. Cependant, le développement des cryptomonnaies y a été entravé à la fois par des obstacles institutionnels – la Commission bancaire de l’Afrique centrale, un organe économique régional, s’y est opposée au nom de la « stabilité financière » – et techniques, comme le manque d’accès à Internet de la population.
Pour aller plus loin
Si l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis le 5 novembre a participé à soutenir le cours des cryptomonnaies, ce n’est pas la seule raison de ces hausses. Dans un article publié le 20 novembre, le site de vulgarisation économique La Finance pour tous revient sur d’autres facteurs, comme la baisse des taux directeurs de la banque centrale américaine.
Le Centre européen des consommateurs, un réseau de services créé par la Commission européenne (une des deux branches exécutives de l’UE), présente sur son site un guide pour utiliser les cryptomonnaies en Europe, publié en décembre dernier. Il aborde les manières de les acheter et de les utiliser ainsi que les pièges à éviter.
Article rédigé par Brief.eco
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